Rencontrez Éloïse Ghertman, une entrepreneuse passionnée qui a transformé son parcours de l’édition à la technologie éducative en devenant CEO de Gymglish, une Edtech innovante.
À travers cet échange, elle nous montre comment elle bouscule les codes de l’éducation avec son produit, en intégrant l’intelligence artificielle pour rendre l’apprentissage des langues plus pertinent et efficace. Elle partage également les obstacles qu’elle a dû surmonter pour réussir dans ce secteur.
Découvrez son parcours inspirant et sa mission de réinventer l’apprentissage des langues.
Let’s go.
Si nos lectrices devaient connaître 3 choses sur vous et votre parcours dans l’EdTech ?
Première chose à savoir : j’ai débuté ma carrière dans le monde de l’édition généraliste, loin du secteur de la tech.
Deuxièmement, j’ai rejoint Gymglish en 2012 en tant qu’autrice et éditrice de cours de Français Langue Étrangère, et j’en suis devenue la CEO 10 ans plus tard !
Enfin, mon profil littéraire ne m’a pas empêchée de me passionner pour l’intelligence artificielle et l’ingénierie pédagogique, dont j’ai découvert le formidable potentiel pour rendre l’apprentissage toujours plus pertinent et efficace.
Si vous deviez « pitcher » Gymglish en 2 phrases, que diriez-vous ?
Gymglish réinvente l’apprentissage des langues en plaçant l’humour et la culture au cœur de l’expérience.
Spécialistes de l’IA depuis 20 ans, nous venons de lancer l’application Aimigo, qui permet d’apprendre une langue en la pratiquant à l’oral et fonctionne comme un coach et ami virtuel avec lequel on peut discuter de tout, 24/7.
Comment décririez-vous le problème que résout Gymglish pour les apprenants en langues ?
Le principal frein à l’auto-apprentissage est le manque d’assiduité, souvent dû à la difficulté de savoir par où commencer et à une motivation irrégulière, qui compromet la rétention à long terme.
Pour y remédier, nous créons des contenus engageants sous forme de séries d’apprentissage pleines d’humour, avec des personnages loufoques et attachants.
Notre méthode repose également sur l’apprentissage adaptatif : nos leçons sont spécifiquement conçues pour faire progresser chaque apprenant.e en fonction de ses acquis et lacunes, évitant ainsi de lui faire perdre son temps et sa motivation sur des exercices inadaptés.
Avec la sortie d’Aimigo, nous pallions cette difficulté de l’auto-apprentissage en introduisant un coach qui accompagne, guide le parcours, encourage, motive et ne laisse jamais les apprenant.e.s seul.e.s face à la difficulté d’apprendre.
D’autre part, nous relevons le défi de la pratique orale : conçu pour aider celles et ceux qui redoutent de commettre des erreurs à l’oral, Aimigo offre un environnement bienveillant et encourageant où chacun.e peut s’exercer sans crainte.
À quoi ressemble une journée type dans la gestion de Gymglish ?
Aucune journée ne se ressemble ! Mon quotidien est fait d’imprévus à gérer et de nouvelles problématiques à résoudre.
Je pourrais comparer ma journée à celle d’une pilote de ligne qui doit surveiller son tableau de bord, réagir aux alertes et s’assurer que tout est en ordre pour avancer dans la bonne direction, avec tout l’équipage derrière moi.
Je consacre également du temps à chercher de l’inspiration pour continuer à améliorer nos produits en les testant, en réalisant une veille technologique ou en allant à la rencontre de pair.e.s ou d’expert.e.s pour apporter de nouvelles idées.
Y a-t-il une figure ou un moment qui a déclenché votre vocation entrepreneuriale dans le secteur de l’EdTech ?
Mon parcours s’est plutôt construit en saisissant des opportunités.
Alors que je vivais en Australie, j’ai eu un véritable un coup de cœur pour Gymglish et pour le poste qui m’a permis de rejoindre l’entreprise.
J’ai toujours eu à cœur de rendre la lecture et les langues accessibles à toutes et à tous, et j’étais convaincue que la formation pour adultes pouvait y contribuer.
Gymglish m’a offert une continuité dans mon goût pour la langue et la culture française, tout en intégrant une dimension multiculturelle qui m’est chère. Au fil du temps, j’y ai découvert le côté « tech », qui est devenu indispensable pour moi !
Quelles sont les femmes qui vous inspirent dans votre parcours entrepreneurial et technologique ?
Les femmes qui m’inspirent au quotidien sont celles qui ont porté des combats, défendu des idéaux, et contribué à améliorer la société, comme Olympe de Gouges, Rosa Parks, Gisèle Halimi et Simone Veil. Leur détermination et persévérance forcent mon admiration.
En tant que femme entrepreneure dans la tech, je suis inspirée par des dirigeantes comme Sheryl Sandberg, ex-COO de Facebook, qui a promu la diversité et l’inclusion, et Marissa Mayer, ex-PDG de Yahoo, dont les déclarations m’ont encouragée à assumer des fonctions pour lesquelles je ne me sentais pas forcément prête.
De nombreuses figures féminines de mon entourage – collègues, mentors et amies – m’inspirent également.
Membre de l’association européenne « Female Edtech Fellowship », qui regroupe des femmes dirigeantes dans l’EdTech, j’ai rencontré des femmes exceptionnelles qui m’ont apporté soutien, conseils et courage, essentiels à mon développement personnel et professionnel.
Qu’est-ce qui vous motive le plus dans le projet Gymglish ?
Ce qui me motive chez Gymglish, c’est avant tout l’aventure humaine. Je suis constamment inspirée par les talents de notre équipe et les valeurs de l’entreprise.
Notre mission éducative, qui consiste à aider à apprendre et à rendre le savoir accessible, est une autre source de motivation. Chaque retour spontané d’une personne qui nous dit qu’on l’a aidée est un carburant exceptionnel !
Enfin, l’ambition de réinventer l’éducation en innovant constamment, tant sur le plan technologique que dans notre approche méthodologique, est un puissant moteur pour moi.
Quels ont été les principaux obstacles que vous avez rencontrés dans le développement de Gymglish, notamment avec l’intégration de l’IA ?
Depuis sa création en 2004, Gymglish utilise l’intelligence artificielle, bien avant que ce terme ne soit couramment utilisé, ce qui nous a posé plusieurs obstacles.
Nous avons dû surmonter des préoccupations concernant la protection des données et la reconnaissance de notre méthode.
Par exemple, nous ne sommes pas éligibles au CPF car les critères exigent une évaluation humaine.
Nous avons également dû travailler à clarifier notre rôle complémentaire, et non concurrent, par rapport aux enseignant.e.s, et à expliquer l’intérêt de notre approche, surtout au début, car l’auto-apprentissage en ligne était alors une notion complètement nouvelle.
Comment avez-vous surmonté ces obstacles ?
Surmonter ces obstacles a nécessité un travail important de pédagogie autour de notre fonctionnement et de notre méthode d’apprentissage.
Nous avons consacré beaucoup d’efforts à expliquer notre approche et à démontrer ses avantages. Le regard porté sur l’auto-apprentissage a beaucoup changé avec le COVID, ce qui a facilité notre tâche.
La pandémie a accéléré l’adoption de nouvelles habitudes, et notre persévérance a porté ses fruits. Nous avons également renforcé notre communication sur la sécurité des données et sur notre complémentarité avec les enseignant.e.s, ce qui a aidé à dissiper les inquiétudes.
Si vous deviez démystifier 3 idées reçues sur l’apprentissage des langues en ligne, quelles seraient-elles ?
On ne peut pas apprendre au-delà d’un certain âge : C’est faux. Avec l’âge vient l’expérience, et on sait mieux ce qui fonctionne pour soi. Tant que l’on est motivé.e, on peut apprendre, retenir et parler une nouvelle langue à tout âge.
Attendre de maîtriser une langue pour la parler : C’est souvent une barrière psychologique, liée à la peur de l’erreur ou d’être jugé.e. En réalité, lorsqu’on fait l’effort de parler la langue de l’autre, celles et ceux qui nous écoutent apprécient et ne jugent pas les erreurs de grammaire. Le plus dur, c’est de se lancer !
Les Français.e. sont mauvais en langues : Ce n’est pas vrai, surtout à l’écrit ! Avec des méthodes adaptées, les Français.e.s peuvent exceller en langues étrangères.
Comment mesurez-vous l’impact de vos cours en ligne sur les apprenants ? Avez-vous des témoignages ou des études de cas qui illustrent ces succès ?
Nous mesurons l’impact de nos cours en ligne grâce à plusieurs indicateurs clés, tels que le taux d’assiduité ainsi qu’un système précis de suivi des progrès, permettant d’observer les points acquis et en cours d’acquisition.
Les témoignages de nos apprenant.e.s mettent en avant l’efficacité et la flexibilité de notre méthode, qui leur a permis de progresser rapidement et de sentir plus en confiance en s’exprimant dans une langue étrangère.
Pourquoi est-il crucial d’avoir des technologies innovantes comme l’IA dans l’apprentissage des langues ?
Les personnes qui se lancent dans l’auto-apprentissage veulent des cours personnalisés qui répondent à leurs besoins spécifiques, sans perdre de temps sur des exercices qu’elles maîtrisent déjà.
L’IA nous permet de proposer des leçons spécialement conçues pour faire progresser celui qui les suit.
Chaque apprenant.e bénéficie d’un contenu adapté à ses besoins en révision et à son rythme d’apprentissage.
Cette technologie favorise à la fois la motivation et la mémorisation à long terme des connaissances.
Vous dites que l’IA est stratégique pour une entreprise EdTech. À partir de quelle taille d’entreprise, selon vous, faut-il s’en préoccuper ?
Gymglish est l’un des pionniers de l’IA dans l’éducation et nous avons toujours cru en cette technologie. Elle nous a permis de croître et d’innover en améliorant continuellement l’expérience d’apprentissage.
Aujourd’hui, avec son omniprésence et son potentiel immense, l’IA peut être décisive pour toutes les entreprises EdTech, quelle que soit leur taille.
Comment mesure-t-on l’efficacité des outils d’apprentissage basés sur l’IA comme Aimigo ?
Ce qui nous importe le plus, c’est le temps passé par les apprenant.e.s sur l’application et la fréquence de leurs interactions.
Le fait que les utilisateurs.rices s’engagent et parlent régulièrement avec Aimigo est un signe de succès, car cela signifie qu’ils.elles ont surmonté un blocage lié à la pratique orale et se sentent progressivement plus à l’aise pour s’exprimer.
Cette prise de confiance est essentielle pour atteindre un niveau de fluidité en langue.
Des astuces pour les femmes qui souhaitent se lancer dans l’entrepreneuriat tech ? Des DO et DON’T ?
Je dirais aux femmes qui souhaitent se lancer dans l’entrepreneuriat tech de ne pas hésiter ! Faites-vous confiance et ne laissez pas le syndrome de l’imposteur vous freiner.
Osez croire en vos capacités et lancez-vous. Entourez-vous d’autres femmes pour ne pas rester seule face aux interrogations et aux doutes, recherchez du mentorat des réseaux professionnels pour bénéficier de conseils et de soutien essentiels dans cette aventure.
Auriez-vous des ressources ou des lectures à recommander pour celles qui veulent en savoir plus sur l’intégration de l’IA dans l’éducation ?
Pour ceux qui veulent comprendre le contexte de la réussite de Chat-GPT et les défis de l’intelligence artificielle, je recommande Donnerons-Nous Notre Langue au ChatGPT ? – L’impact De L’IA Sur Notre Avenir de Gilles Moyse, une excellente synthèse avec une perspective historique.
Plus spécifiquement sur l’éducation et sur les nombreux outils qui se développent, le site de l’école branchée au Québec offre une mise à jour des meilleurs outils IA selon les besoins éducatifs.
Quelles sont les prochaines étapes pour Gymglish ?
En septembre, nous lancerons une version enrichie de notre application Aimigo, dotée de la première IA « bicéphale », c’est-à-dire avec deux cerveaux.
Cette technologie combine une IA générative, qui produit des dialogues fluides et intuitifs, avec une IA d’apprentissage adaptatif, qui crée des leçons personnalisées en temps réel.
Aimigo Expert évaluera précisément les points forts et faiblesses des apprenant.e.s et ajustera leur parcours en conséquence.
Notre objectif est ensuite de développer Aimigo pour en faire un coach spécialisé dans la préparation aux examens de langues, intégrant des dates et des programmes d’examen, afin d’aider les étudiant.e.s à apprendre et réviser précisément ce dont ils ont besoin pour réussir.
À partir de 2025, nous voulons étendre notre approche au-delà des langues pour couvrir toutes les disciplines de l’enseignement supérieur.
Nous conserverons les éléments clés de notre méthode : le plaisir d’apprendre, l’encouragement, une approche ludique et décomplexée, ainsi que des révisions personnalisées et optimisées pour un apprentissage à long terme.