Rencontrez Delphine Gallin, avocate depuis près de 20 ans et co-fondatrice de Garoé, l’un des premiers cabinets d’avocats à mission.
À travers cet échange, elle nous montre comment elle a bousculé les codes de sa profession, partageant son engagement pour un exercice du droit plus humain et responsable. Elle nous parle des défis qu’elle a rencontrés et de sa vision novatrice pour le bien-être des collaborateurs et la création d’entreprises alignées avec leurs valeurs.
Découvrez son parcours inspirant et sa mission de moderniser la profession d’avocat.
Let’s go.
Si nos lectrices devaient connaître 3 choses sur vous et votre parcours ?
Avocate depuis près de 20 ans, je suis fiscaliste de formation. J’ai très vite fondé mon cabinet, après deux ans de barre, ce qui est assez rare dans la profession.
Après plus de 10 ans d’exercice en solo, j’ai rencontré mon associée actuelle, Océane, avec qui le feeling est tout de suite passé. Nous partagions une vision commune de la profession, moderne, innovante et engagée, qui nous a donné envie de fonder notre propre cabinet.
Si vous deviez « pitcher » votre activité en 2 phrases, que diriez-vous ?
Chez Garoé, nous accompagnons les entrepreneurs engagés en les aidant à anticiper les risques inhérents à leurs projets, tout en rendant leurs démarches plus fluides et vertueuses.
Notre objectif est de leur permettre d’avoir une vision stratégique sur le long terme pour pérenniser au mieux leur business.
Comment décririez-vous le problème que vous souhaitez résoudre ?
Par ma démarche, je souhaite résoudre trois problématiques.
Dans un premier temps, simplifier un monde des affaires par nature complexe, en faisant en sorte que les projets les plus fous deviennent une réalité.
Par ailleurs, je souhaite avoir un impact positif dans la profession, en sensibilisant mes confrères su la prise en compte du bien-être de leurs collaborateurs.
Aujourd’hui, bon nombre des cabinets, par leurs mauvaises pratiques, contribuent au mal-être de leurs équipes, les poussant au burn-out, voire même à une reconversion.
Pour remédier à ces problèmes, j’effectue des actions de sensibilisation auprès des autres avocats, pour leur montrer qu’une gestion humaine et bienveillante est possible et tout autant productive.
Enfin, je veux faire prendre conscience à mon écosystème et notamment à mes clients, qu’il est important de construire son business autour de leurs valeurs.
À quoi ressemble une journée type ?
Levée à 5h40, je commence toujours ma journée par une bonne tasse de café (impossible de m’en passer) et un bref scrolling des actualités sur mon téléphone. J’enchaîne sur une séance de 15mn de gym. Ensuite, je lève mes filles, je les prépare et les dépose à l’école.
Une fois mes tâches de maman accomplies, je peux enfin débuter ma journée de travail dans les environs de 7h50. Mes journées sont généralement chargées. Je dois gérer les rendez-vous clients, les points dossiers avec mes collaborateurs, la production de documents et mes impératifs liés à mes engagements dans diverses structures.
En fin d’après-midi, je vais chercher mes enfants à l’école et j’alterne entre mon rôle de maman pour les devoirs, le bain et le repas, et la gestion des dernières tâches professionnelles de ma journée.
Y a-t-il une figure ou un moment qui a déclenché votre vocation entrepreneuriale ?
Christine Lagarde m’a profondément inspirée dans ma carrière par sa capacité à briser les barrières dans des environnements dominés par les hommes.
Elle est devenue la première femme à diriger un grand cabinet d’avocats d’affaires américain, secteur où les femmes sont malheureusement sous-représentées.
Son ambition ne s’est pas arrêtée là, puisqu’elle a eu le parcours impressionnant qu’on lui connait, dont des postes de haut niveau dans des institutions économiques clés.
Quelles sont les femmes qui vous inspirent dans votre parcours entrepreneurial ?
En plus de Christine Lagarde, j’ai toujours été fascinée par le personnage de Joséphine Baker.
Née afro-américaine dans une famille pauvre en pleine ségrégation raciale aux États-Unis, elle est parvenue à mener une carrière artistique internationale dans une période où cela semblait impossible.
Mais elle a surtout utilisé sa notoriété et risqué sa vie dans la lutte contre le IIIème Reich. Entre ses spectacles de music-hall, l’accueil de résistants dans sa demeure et ses missions d’espionnage à travers le monde, Joséphine Baker reste un personnage à la vie atypique et fascinante.
Pour l’anecdote, j’ai même donné son prénom à ma première fille.
Votre cabinet d’avocat est devenu entreprise à mission en 2022, ce qui n’est pas commun dans votre secteur. Pourquoi un tel choix ?
En fondant le cabinet, nous avons tout de suite désiré créer une structure différente des cabinets d’avocats traditionnels. Une structure qui va bien au-delà de la simple prestation de services juridiques. L’objectif principal était de construire une organisation qui concilie efficacité stratégique et bien-être des collaborateurs.
Fin 2021, comme toujours, les idées se bousculent dans ma tête mais l’une d’entre elles se démarque. Pourquoi ne pas formaliser cet engagement par une démarche officielle ?
Ayant été consultée lors de l’élaboration de la loi PACTE, je connaissais bien la notion d’entreprise à mission. Mais je n’avais jamais songé à l’appliquer à ma structure. Puis finalement, pourquoi pas ?
Devenir une entreprise à mission c’était la façon la plus transparente pour notre cabinet de démontrer à tous que nos actions sont bien concrètes. En effet, en tant qu’entreprise à mission, nous devons suivre une feuille de route, produire des rapports et être audités par une Organisme Tiers Indépendant (OTI).
Qu’est-ce qui vous motive le plus dans votre projet ?
Le sentiment d’utilité, l’envie d’avoir un véritable impact dans une profession qui a besoin d’être modernisée
Quels ont été les principaux obstacles que vous avez rencontrés dans le développement de votre activité ?
1° En tant que femme, j’ai dû faire mes preuves pour démontrer que j’étais tout autant compétente qu’un homme.
2° Concilier maternité et développement de mon cabinet. Au début, cela n’a pas été facile, il y avait la pression de vouloir être présente autant que possible pour mes enfants. De l’autre, il y a les exigences du business, qui ne s’arrêtent jamais, avec des décisions à prendre, des projets à gérer, et des responsabilités à assumer.
3° Combattre le syndrome de l’imposteur qui s’avérait être parfois un frein à mon ambition.
Comment avez-vous surmonté ces obstacles ?
1° Malheureusement il n’y a pas de solutions miracles à ce problème. Encore aujourd’hui, je dois faire face à des personnes qui pensent qu’en tant que femme je n’ai pas mon mot à dire sur tel ou tel sujet. Dans de telles circonstances, je ne me laisse jamais marcher dessus et je fais bien comprendre à mon interlocuteur que mon opinion a autant d’importance que la sienne, peu importe ce qu’il en pense.
2° Concernant la maternité, il suffit de faire le point sur ses priorités familiales et professionnelles. Gérer au mieux mon emploi du temps et m’entourer d’une équipe compétente et de confiance, qui me permettra de dégager du temps pour ma famille, sans devoir passer des soirées et des week-ends entiers à travailler.
3° L’expérience et la maturité m’ont permis de prendre conscience de ma valeur et d’arrêter de remettre en question ma légitimité.
Si vous deviez démystifier 3 idées reçues sur l’entrepreneuriat féminin, quelles seraient-elles ?
1° Que les femmes ne peuvent, par leur nature, être de bons leaders. Les femmes ont, elles aussi, de la poigne et de l’ambition.
2° Que les femmes peuvent se faire une place dans les secteurs dits « masculins » et ne sont pas uniquement bonnes à parler produits de beauté et mode
3° Que l’on peut être mère de famille et mener une carrière. Ce n’est pas toujours simple, mais on peut très bien exceller dans les deux rôles.
Vous avez lancé un programme ProBono, qui offre des services juridiques gratuits aux structures à impact positif pendant un an et pour un montant de prestation plafonné à 5 000 euros. Quelles sont les structures que vous avez accompagnées ?
Depuis la création du programme ProBono, nous avons accompagné
- Des entreprises locales à impact positif : une entreprise qui a créé une alternative aux pesticides et une sandwicherie marseillaise qui conçoit ses produits à partir de produits de saison
- Diverses associations marseillaises, toutes en lien avec la mer dont Clean My Calanques et Mer Terre qui organisent des actions de dépollution et de sensibilisation ; ainsi que Women For Sea qui défend la place des femmes dans les milieux marins.
Comment mesurez-vous l’impact de ce programme ? Avez-vous des témoignages ou des études de cas qui illustrent ces succès ?
Les bénéficiaires sont amenés à remplir un questionnaire de satisfaction évaluant l’impact de notre programme. Le questionnaire de 2024 sera envoyé en fin d’année, nous n’avons donc pas encore en notre possession leurs résultats.
Je peux en revanche vous dire que selon les résultats de l’année 2023, 100% des répondants ont jugé ce programme utile pour les petites structures.
Les bénéficiaires ont également souligné que sans le programme ProBono, il n’aurait pas pu faire appel à un conseil pour l’aider. Par ailleurs, il juge le programme comme étant indispensable aux petites structures.
Notre équipe travaille sur une version améliorée de ce questionnaire pour cette année, permettant de mesurer efficacement l’impact réel de notre programme en y incluant notamment des témoignages sur leur retour d’expérience.
Pourquoi est-il crucial d’avoir un avocat à ses côtés lors d’une création d’entreprise ?
L’anticipation des risques reste un atout majeur lorsque l’on se lance dans la création d’entreprise.
La prise de risques est inhérente au développement d’un projet d’entreprise, mais ils doivent pouvoir être maitrisés.
L’avocat, par sa connaissance aiguë des règlementations applicables et son expérience de la gestion des crises diverses qui jalonnent le parcours entrepreneurial, est le professionnel de référence pour aider le porteur de projet à faire les bons choix et mesurer les marges de manœuvres qui s’offrent à lui.
Des astuces pour les femmes qui souhaitent se lancer dans l’entrepreneuriat ? Des DO et DON’T ?
LES DO
- S’entourer d’une équipe compétente et de confiance
- Construire un réseau solide
- Prendre les contraintes comme des défis
- Laisser libre court à sa créativité et ses ambitions
LES DON’T
- Vouloir tout gérer
- Négliger son équilibre personnel
- Se présenter sous une fausse personnalité (rien de mieux que l’authenticité)
Quelles sont les prochaines étapes pour votre cabinet ?
Consolider notre modèle en tant que cabinet à mission et agrandir notre éco-système vertueux !
Découvrez le cabinet Garoé, fondé par Delphine Gallin.