Interview Margaux Averty : graphiste indépendante et engagée avec l’éco-conception

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Rencontrez Margaux Averty, une graphiste autodidacte passionnée qui, après avoir travaillé dans la communication et le marketing, s’est lancée en freelance. Partageant sa vie entre la France et l’Indonésie, elle intègre ses valeurs personnelles à son travail en adoptant l’éco-conception.

Margaux tire son inspiration de figures comme Frida Kahlo et Phoolan Devi, des femmes qui, à ses yeux, incarnent la résilience et la force face aux défis.

Bien que l’éco-conception ne soit pas toujours comprise de tous ses clients, elle continue de sensibiliser à cette approche en montrant ses avantages pratiques et économiques. Son podcast Ciel, mon graphiste ! est une nouvelle manière pour elle de partager son savoir-faire avec un plus grand public et d’encourager les entrepreneurs à adopter des pratiques plus durables.

Découvrez son parcours inspirant.

Let’s go.

Si nos lectrices devaient connaître 3 choses sur vous ?

  • Je suis une graphiste autodidacte, avant de me lancer en freelance je travaillais plutôt dans la communication et le marketing. 
  • Ma vraie passion, c’est la musique : j’adore chanter, jouer du piano ou de la guitare. 
  • J’ai eu la chance de travailler dans différentes parties du monde et aujourd’hui je partage ma vie entre la France et l’Indonésie, mon pays de cœur. 

Si vous deviez définir l’éco-conception dans les métiers graphiques en 2 phrases ?

L’éco-conception en graphisme, c’est chercher à créer des outils graphiques et des supports plus durables qui ont une vraie valeur ajoutée.

Au-delà de la conception pure, cela rentre aussi pour moi dans une démarche de communication plus sobre, plus raisonnée : faire mieux, quitte à en faire moins. 

Votre journée type, ça ressemble à quoi ?

Je n’ai pas vraiment de routine à proprement parler, car je suis assez flexible et n’aime pas avoir un emploi du temps millimétré…

Je m’adapte à ma charge de travail, mon énergie du jour, et ma concentration. Parfois je vais être beaucoup plus productive le soir par exemple, car j’ai moins de distractions. 

Pourquoi l’éco-conception est importante pour vos clients ? Quels sont leurs profils ?

Tous mes clients actuels ne sont pas forcément venus vers moi principalement pour l’éco-conception. Parfois il s’agit juste du fait qu’ils apprécient mon style, mes réalisations ou mon approche d’accompagnement.

C’est en parlant avec eux que je mentionne, si c’est pertinent, la possibilité de créer des identités ou des outils graphiques plus sobres et responsables. 

Parmi ceux qui viennent vers moi spécifiquement pour cela, il y a autant d’auto-entrepreneurs qui souhaitent avoir une identité qui reflète leurs valeurs, leurs projets, que de grandes entreprises qui sont également intéressés par cette approche pour en apprendre plus et éventuellement adapter certaines pratiques en interne.  

Mais c’est un concept flou pour beaucoup de personnes. Mon approche se veut assez organique et pédagogique : j’aime montrer l’exemple sans forcer ou moraliser.

J’explique d’ailleurs en quoi cela a des avantages pour eux de façon globale. Beaucoup de gens ne savent pas qu’une approche plus sobre, ou des pratiques très simples d’éco-conception, permettent de faire de belles économies, mais aussi de gagner du temps en optimisant sa communication, ses supports… 

Je ne cherche pas à cibler uniquement des entreprises déjà sensibilisés à l’éco-conception. Car je souhaite justement faire découvrir cette approche à plus de monde.  

Une figure ou un moment qui a déclenché votre vocation entrepreneuriale ? 

Je vais peut-être casser le mythe de l’entrepreneur mais je ne suis pas lancée dans ce projet par vocation, mais plutôt parce que je voulais travailler et que le marché de l’emploi était très compliqué quand j’ai décidé de quitter mon CDI. Ce n’est que petit à petit que j’ai réalisé à quel point l’entrepreneuriat et l’indépendance correspondait bien mieux à mon fonctionnement, mes valeurs et ma personnalité. Et que j’ai commencé à m’épanouir pleinement dans l’entrepreneuriat, à m’investir davantage pour réussir durablement. 

Je ne vois pas du tout revenir à un salariat aujourd’hui, car j’aime cette liberté et toutes les opportunités que je peux saisir ou développer de mon propre chef.

En tant que freelance, on moule vraiment notre activité à nos besoins, nos envies, nos intérêts… Ce n’est pas toujours évident et cela prend du temps, c’est même un processus qui ne se termine jamais tout à fait, mais que l’on fait évoluer et grandir avec soi. Pas toujours rose donc, mais tellement plus excitant ! 

Qu’est-ce qui vous a amené à intégrer cet aspect écologique à votre offre ?

J’ai voulu adopter une approche plus raisonnée car je voyais trop de choses qui ne faisaient pas de sens dans la communication, le marketing en général.

Cela venait aussi d’une volonté de mieux coller à mes convictions personnelles : la sur-consommation, la sur-production, le manque de transparence… m’ont toujours dérangée et je voulais simplement intégrer ces valeurs plus sobres à mon activité. 

Cela a pris du temps car il y a encore quelques années on ne parlait pas vraiment de tout ça, surtout dans le graphisme.

Et l’éco-conception a aussi vite été récupérée comme argument un peu fallacieux par certains. Il s’agit aussi d’apprendre ce qui est pertinent et ce qui ne l’est pas.

Une nouvelle « tendance » soit-disant super écolo ne l’est en fait pas vraiment quand on creuse un peu, et c’est plus de la poudre aux yeux qu’autre chose. Le plus important pour moi est surtout de créer des choses utiles, polyvalentes et durables.

Repenser sa façon de communiquer, ses outils, son processus de création, est plus important que de crier sur tous les toits qu’on a un logo éco-conçu alors qu’on adopte une communication qui est loin d’être raisonnée et responsable, voire éthique.

Quels sont les principaux obstacles auxquels vous faites face concernant cette offre ? 

Certaines personnes ont un concept très flou de l’éco-conception, ou de la slow communication… Je ne peux pas dire que je rencontre des obstacles particuliers car quand j’aborde cette approche avec mes clients, surtout quand il s’agit de réalisations print, ils sont plutôt intéressés et accueillent mes suggestions avec plaisir. 

Il m’est arrivé une fois d’avoir un client qui souhaitait mes services POUR cette prestation, mais qui a fini par me demander des modifications qui allaient toutes à l’inverse de l’éco-conception… !

J’ai fini par lâcher l’affaire après avoir tenté d’expliquer de nombreuses fois tel ou tel choix graphique, mais c’était un peu lunaire. À contrario, des personnes qui ne connaissaient pas forcément cette approche du point de vue « conception graphique » se montrent plus ouvertes et curieuses. 

Comment les surmonter ?

D’abord, je ne présente pas uniquement mes prestations par ce prisme. J’opte plutôt pour une suggestion de l’éco-conception quand c’est pertinent pour le projet.

Car j’accompagne aussi beaucoup de personnes qui ont uniquement une communication digitale et les optimisations ne sont pas les mêmes que pour une communication majoritairement print par exemple. 

J’indique donc l’éco-conception comme une recommandation sur le projet, et les clients qui n’avaient pas spécialement cherché à avoir une identité ou un support éco-conçu vont donc accueillir cette option comme un atout supplémentaire pour leur création et n’émettent donc aucune objection.

Au contraire, ils vont poser des questions et s’intéresser à la démarche pour en savoir plus. 

Si vous deviez casser 3 idées reçues sur l’éco-conception ?

  • L’éco-conception ce n’est pas des graphismes sans couleurs et sans saveur : c’est un dosage adapté en fonction de l’usage (contre-exemple : pour de l’éco-conception web, on irait sur des couleurs plus sombres qui consomment moins de lumière de l’écran)
  • Ce n’est pas plus cher, au contraire, on fait des économies (de temps, d’argent, etc.). On se concentre sur ce qui peut vraiment apporter de la valeur à notre communication et en laissant de côté les éléments superflus, on est plus productif et on a plus de facilité à manier nos outils graphiques. 
  • L’éco-conception n’est pas une contrainte en termes de créativité, c’est aussi une super opportunité de repenser nos contenus et nos supports (en leur inventant un double usage par exemple, ou une seconde vie, etc.), en optimisant sa com’ et donc en la rendant plus pratique, plus fun, plus simple à gérer ! Il y a des centaines d’idées possible pour créer des supports plus durables et/ou leur donner un double usage, une nouvelle vie après utilisation. Cela peut donc être très stimulant pour la créativité !

Que diriez-vous à quelqu’un qui a envie de se lancer dans ce domaine ?

Le graphisme n’est pas qu’une histoire de « rendre beau » : comme toute activité de design, il s’agit avant tout de rendre les choses fonctionnelles et pratiques à utiliser pour le consommateur / utilisateur final.

D’où l’importance de connaître les technicités de son métier et de s’attarder sur la stratégie de nos clients, leurs objectifs, pour leur créer des outils graphiques et des supports parfaitement adaptés.

Ce n’est pas forcément la réalisation la plus originale qui est la plus pertinente, ou la plus réussie : on répond à des besoins et des attentes clients qui ont leurs spécificités, leurs contraintes. Et il est important de toujours s’y raccrocher pour proposer, in fine, une prestation qui va vraiment l’aider à passer à l’étape supérieure. 

Les métiers graphiques (et créatifs en général) sont souvent précarisés et dévalorisés. Donc si tu veux te lancer, ne te tire pas une balle dans le pied et n’accepte jamais de travailler gratuitement, ou pour « de la visibilité », même si tu débutes.

Ajuste tes tarifs en fonction de tes prestations, et de ton niveau d’expérience, ou bien procède à un échange de compétences si cela te convient, mais n’accepte pas de dévaloriser toi-même ton métier.

Si tu veux te lancer, et durer, tout en vivant de ton activité, c’est primordial de poser des limites et de savoir parfois dire non quand la valeur de ton travail n’est pas respectée. 

Ne commence jamais à travailler sans acompte. Heureusement, je n’ai pas fait cette erreur (j’en ai fait d’autres par contre…) à force de voir des messages de graphistes désespérés dans des groupes qui n’avaient jamais vu la couleur de leur argent.

L’important au-delà de ça, c’est d’apprendre à protéger ton travail et plus globalement, ton activité. Car quand on est seul.e qu’on débute et qu’on ne sait pas vraiment nos droits et nos devoirs d’ailleurs en tant qu’entrepreneur, on est plus vulnérable.

Et si un paiement très tardif, voire inexistant, peut être absorbé par une plus grosse entreprise, ce n’est pas forcément le cas pour toi et cela peut vraiment mettre à mal ton activité, ton moral, ta confiance etc. Donc mettre les bonnes méthodes en place dès le début peut t’éviter de nombreux désagréments. 

Vous avez aussi lancé un podcast, est-ce que cela fait partie de votre stratégie de visibilité ?

J’ai créé « Ciel, mon graphiste ! » pour partager des conseils pratiques et applicables pour des personnes qui ne sont pas professionnelles de la com’ visuelle et du graphisme. Comme la grande majorité des auto-entrepreneurs qui lancent leur projet… !

Je vois trop de gens se démotiver après avoir tenté des choses seuls, car ils n’ont pas le budget pour se faire accompagner, ou ne savent même pas par où commencer pour construire leur stratégie de communication. 

Et puis le format du podcast est apparu assez naturellement après avoir tant de fois échoué à tenir mes bonnes résolutions sur mes réseaux sociaux… Ce n’est pas fait pour moi et je ne prenais pas de plaisir à utiliser ce média pour ma communication.

Alors que j’adore prendre le temps d’expliquer les choses, à l’oral, ou bien rédiger des articles sur mon blog. L’audio était donc un moyen ludique de faire entendre ma voix -littéralement- tout en partageant mon expérience et mes conseils. 

Cela m’apporte un peu de visibilité, mais je n’ai pour le moment quasiment pas fait de promotion dessus. J’y consacre le temps que je peux pour que cela reste un plaisir à créer, mais c’est vrai que j’aimerais faire beaucoup plus !

Car même sans promotion, le podcast a trouvé son audience et je commence à avoir des gens qui m’appellent pour mes services en m’ayant découvert via le podcast, donc il y a encore plein de belles choses à faire pour le développer et en faire un vrai levier de croissance pour ma visibilité ! 

Vous habitez actuellement à l’étranger, pourquoi ce choix et comment cela impacte votre activité ?

En réalité cela n’impacte pas tellement mon activité. Travaillant à 100% à distance, mes clients ne voient absolument pas la différence.

C’est plutôt moi qui ai eu un peu de mal à gérer le décalage horaire, essayant à tout prix de rester ultra réactive et flexible peu importe l’heure (locale).

J’acceptais des RDV tard en soirée et je répondais à des mails avant de me coucher… Ce qui n’était pas possible pour un quotidien serein.

Aujourd’hui je me simplifie la vie en mettant mes rendez-vous en matinée (heure française) pour finir mes journées à des heures acceptables, et cela me permet tout à fait de rester réactive dans la gestion de mes mails.

Je pense que c’est valable pour chaque profession d’ailleurs : il est bon de se rappeler qu’on se crée souvent des faux sentiments d’urgence et donc du stress pour rien… 

Quels sont les femmes qui vous inspirent ?

Frida Kahlo pour sa « force fragile » et sa sensibilité : j’ai d’abord été touchée par ses peintures avant de m’intéresser à sa vie et c’est une femme que l’on réduit beaucoup à ses drames de vie, alors qu’elle a été beaucoup plus que ça.

J’aime particulièrement le fait que malgré son apparente résilience, sa force et ses idéaux, c’est aussi une femme qui n’était pas infaillible, qui était complexe et imparfaite. Et ça la rend beaucoup plus intéressante à mes yeux que la figure de la femme artiste à la vie tragique avec des fleurs dans les cheveux qu’on partage d’elle à tout va. 

Je recommande la lecture de ses Lettres, pour celles et ceux qui veulent la découvrir un peu plus par elle-même. 

Phoolan Devi pour sa détermination et son combat pour renverser l’ordre social qui l’avait contrainte à une vie de misère et de violence.

Femme indienne issue de la plus basse caste, avec aucune chance de son côté depuis ses plus jeunes jours, elle s’est pourtant hissée jusqu’au parlement indien, rien que ça !

La lecture de son autobiographie a été un uppercut car elle a vécu tant de choses atroces, et a toujours continué à avancer coûte que coûte. Sa révolte contre l’oppression et le fatalisme social, sa rage de vivre par elle-même et pour elle-même plus fortes que tout. 

Marcelle Sauvageot, pour la lucidité et la sensibilité qu’elle a su transmettre dans son ouvrage unique : « Laissez-moi ».

Un essai d’une centaine de pages, fulgurant et que l’on connaît peu. Un commentaire d’une femme de son époque (années 30) qui pourtant avait une vision terriblement moderne du couple, du rapport homme-femme et de l’amour en général, et qu’il faudrait introduire dans davantage de bibliothèques… ! 

Où nos lectrices peuvent vous suivre ?

Mon podcast, “Ciel mon graphiste !” (Lien Spotify mais disponible sur toutes les plateformes audio et YouTube)

Mon site web 

Mon Instagram 

Merci !

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