Plongez dans une interview passionnante avec Bérengère Dubrulle, directrice de recherche au CNRS et « Femme Scientifique de l’Année 2022 ».
Elle partage ses réflexions sur la science, comparée à une exploration artistique, et ses conseils inspirants pour les femmes dans le domaine scientifique. De sa journée type à ses modèles féminins, elle offre une perspective unique sur les défis et les joies de la recherche.
Let’s go.
Si nos lectrices devaient connaître 3 choses sur vous ?
Je suis une éternelle rêveuse et idéaliste, j’ai 4 enfants, et j’adore faire des équations en cheminant sur un sentier de montagne.
Si vous deviez « pitcher» votre métier en 2 phrases ?
Etre chercheur, c’est oser se poser des questions qui semblent futiles ou sans réponse pour ouvrir de nouvelles fenêtres d’appréhension du monde qui nous entoure… comme un artiste, en soi, mais en utilisant des équations et des instruments en place des pinceaux ou instruments de musique ou de prise d’image.
Si vous deviez expliquer votre principal sujet de recherche à une non-initiée ?
J’essaie de comprendre comment se meuvent les fluides qui nous entourent, spécialement quand ils se mettent à tourbillonner et à fusionner. Car comprendre cela, c’est réussir à réduire la consommation des véhicules (voitures, avions, bateaux,..) d’un quart ; c’est pouvoir prédire où et quand il faudra mettre de nouvelles éoliennes dans un climat changeant ; c’est comprendre comment la terre a fait pour se former en moins de 1 milliards d’années ; c’est prédire quand le pôle nord magnétique deviendra le sud magnétique ou quand la circulation océanique ralentira suffisamment pour englacer New-York.
La journée type d’une directrice de recherche au CNRS, ça ressemble à quoi ?
J’arrive le matin vers 9h, après 30 minutes de marche à travers les bois, pour éviter l’émission de 500 kg de Gaz à effet de serre/an et en profiter pour réfléchir à quelques problèmes ou équations qui m’occupent en ce moment. Je passe environ 1h à dépouiller mon mail, puis à y répondre. Puis, je vais voir mes étudiants, et je discute avec eux pendant 1h30.
De ce moment jusqu’au déjeuner, je lis et j’écris des articles ou je prépare des présentations pour les prochaines conférences.
Après le déjeuner, j’assiste à une ou deux réunions, souvent par zoom, pour organiser la vie scientifique communautaire (comités, direction de l’Ecole de physique, travail éditorial,..) ; vers 16h, je vais revoir mes étudiants, pour faire le point sur leur journée. A 17h, je redescends à pied, pour essayer d’arriver au RER avant la tombée de la nuit. En général, une fois arrivée à la maison, vers 17h30, je retravaille pour moi (je résous quelques équations et réfléchis à ma recherche) jusque 19h.
Une figure ou un moment qui a déclenché votre vocation scientifique ?
Une photo de Marie Curie devant sa paillasse dans un livre d’histoire quand j’étais en CE2.
Quels sont les femmes qui vous inspirent ?
Celles qui ne se laissent pas marcher sur les pieds, qui ont ouvert de nouvelles voies, qui n’ont pas froid aux yeux, qui sont allées au bout de leur curiosité et de leurs rêves
En science : Marie et Irene Curie, Jocelyn Bell, Rosalin Franklin, et plus récemment : Françoise Combes, Catherine Cesarsky, Annick Pouquet.
Qu’est-ce qui vous anime dans votre métier ?
Comprendre le monde qui nous entoure…. Et plus j’apprends, plus je réalise que je ne sais rien.
Quels ont été les principaux obstacles sur votre chemin ?
Les aléas de la vie.
Comment les avez-vous surmontés ?
Avec du courage, et la chance d’être bien entourée.
Comment une chercheuse peut-elle réussir dans un domaine traditionnellement dominé par les hommes ?
En creusant son sillon à sa façon… en privilégiant l’humain, en bâtissant une équipe avec des jeunes autour d’un idéal commun (on fait progresser la connaissance, et si on peut, on se rend utile), en refusant les rapports de force, en restant humble mais ferme sur des valeurs inaliénables comme l’honnêteté intellectuelle, la franchise, la bienveillance.
Qu’est-ce qui vous procure du plaisir dans ce métier ?
De trouver la solution à un problème après avoir seché pendant des jours, des semaines, parfois des mois. De voir mes élèves devenir docteur-es, et puis ingenieur-es ,enseignant-es ou chercheur-euses.
Si vous deviez casser 3 idées reçues sur votre métier ?
Les chercheurs qui trouvent, on en cherche : Faux ! Les chercheurs trouvent souvent.
Chercheur, c’est un métier solitaire : Faux. C’est un métier d’équipe.
Pour être chercheur, il faut être un génie des mathématiques : faux ! Les trois qualités fondamentales du chercheur sont : imagination, curiosité et persévérance… Et on peut être un-e super bon chercheur-euse expérimental en étant un-e super bricoleur-euse débrouillard-e
Qu’est-ce que vous vous diriez à une petite fille de 5 ans, une jeune fille de 15 ans et à une femme de 25 ans pour les encourager à explorer le chemin de la physique et des mathématiques ?
A 5 ans : Regarde ce joli carré ! Dessines-en un ! Remues cette bouteille, tu vois ce tourbillon ?
A 15 ans : la physique et les mathématiques, c’est ce qui t’ouvrira la compréhension du monde qui t’entoure. Y a pas de raison que ce soit réservé aux garçons !
A 25 ans : si tu veux te rendre utile dans les défis énergétiques et climatiques qui nous attendent, fais de la science ! Il ne faut pas laisser les hommes seuls pour les affronter !
Pour finir, auriez-vous 3 recommandations (livres, films, etc…) pour éveiller les filles à la science ?
Théatre : les Palmes de Mr Schultz de Jean-Noël Fenwick (aussi sorti en film)
Film : Les Figures de l’ombre, de Theodore Melfi, sorti en 2016.
Livre : Les savanturiers et l’arche perdue de Sylvia Khone
Merci Bérengère Dubrulle pour cet interview.
Pour en savoir plus sur le sujet, n’hésitez pas à lire nos portraits des 20 femmes scientifiques célèbres qui ont marqué le monde.
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